Il y a eu récemment, sur le forum Orthophonie-Québec, une discussion fort intéressante sur les difficultés d’accès lexical des enfants dysphasiques. Une intervention de Catherine Coulombe m’a particulièrement intéressé. Avec son accord, je la retranscris ci-dessous en guise d’introduction à la présentation de son travail de fin d’études (lectures dirigées dans un premier temps et mémoire ensuite) qu’elle a eu l’amabilité de partager avec nous. Comme vous pourrez le lire, ce travail, à la fois théorique et pratique, l’a conduite à créer un cahier d’activités orientées sur la prise en charge orthophonique de ces difficultés d’accès lexical. Ce cahier n’est actuellement pas distribué mais Catherine Coulombe est prête à le partager, ici ou ailleurs (elle décidera en temps voulu), si vous manifestez votre intérêt pour une telle diffusion. N’hésitez donc pas à laisser un commentaire en ce sens au bas de ce billet. Pour ma part, je la remercie déjà de partager ainsi les résultats de ses recherches et réflexions. J’ai lu son travail avec un grand intérêt.
– Message au groupe Orthophonie-Québec :
Bonjour,
Je suis avec grand intérêt les discussions récentes sur les difficultés d’accès lexical. J’adore ce sujet et ai passé la grande majorité de ma maîtrise à lire sur le sujet. D’une part, je fais
une grande distinction entre évocation lexicale et accès lexical.
L’évocation lexicale est un processus divergent dans lequel le sujet doit partir d’un critère précis pour identifier plusieurs items. L’accès lexical est quant à lui un processus convergent dans lequel le sujet doit partir de plusieurs caractéristiques pour en arriver à la dénomination précise d’un seul item. Bien sûr, les deux processus sont contributifs l’un à l’autre, mais ils ne sont pas utilisés nécessairement dans les mêmes circonstances et des difficultés dans chacun des processus n’aura pas les mêmes répercussions dans le quotidien de l’enfant. J’aime bien les modèles proposés par Levelt pour expliquer la construction du lexique (lemmes et lexèmes) et l’accès aux mots. La plupart des orthophonistes sont à l’aise à travailler la représentation sémantique (catégorie, description visuelle, etc.) des mots dans le lexique, mais les autres représentations sont souvent oubliées dans le travail de l’accès lexical. J’entends par là qu’il est primordial d’aller enrichir l’ensemble des représentations dans l’entrée lexicale (sémantique, syntaxique, morphologique et phonémique). Mes observations m’amènent à croire que les représentations syntaxiques et phonologiques sont très importantes au développement d’un accès lexical rapide et efficace. Ces observations sont cohérentes avec les indices fournis aux enfants lorsqu’ils sont en recherche lexicale (phrase porteuse, ébauche phonémique). Les études tendent à montrer qu’une stimulation de toutes les représentations est plus efficace qu’une stimulation ciblée des représentations sémantiques des mots. De plus, les études montrent que le lexique n’est pas organisé en catégories sémantiques avant un âge assez avancé. Il m’apparaît donc important d’aller travailler l’accès lexical d’une autre manière avant que l’enfant ne maîtrise complètement l’art de la catégorisation sémantique fine.
D’autre part, il ne faut pas oublier que les difficultés d’accès lexical peuvent provenir à la fois d’une difficulté à emmagasiner les mots à l’intérieur du lexique et d’une difficulté à
récupérer l’information stockée (menant à des paraphasies de toutes sortes ou à délais de réponses). Ainsi, il s’avère tout aussi important de faire des liens entre entre les mots (liens de nature sémantique, phonologique, morphologique et syntaxique). Dans l’optique où le lexique de l’enfant est moins bien organisé et que ses processus de récupération des mots sont moins efficaces,
il est fort probable qu’un travail à faire des liens sur les mots mène à un nombre plus grand de paraphasies. Il faudra alors travailler à observer ce qui fait que deux mots peuvent être
associés, mais aussi ce qui les caractérise et qui fait qu’ils sont différents. Pour les enfants qui ont une bonne compréhension je procède de la façon suivante:
1. Identifier les signes de recherche lexicale: comment j’identifie que je suis en train de chercher mes mots (ça prend du temps, j’ai besoin d’aide, je me trompe de mot, etc.)
2. Apprendre à apprendre les mots: J’explique les différentes représentations d’un mot et nous construisons une bulle mot dans laquelle nous inscrivons ou dessinons toutes les informations sur le mot (catégorie, sens, caractéristiques, valeur grammaticale, utilisation dans une phrase, morphologie, nombre de syllabe, premier son, dernier son, etc.)
3. A partir de cette bulle mot nous allons accoler d’autres mots qui pourraient y être reliés et expliquons le lien. Nous trouvons un lien avec chaque représentation du mot (un lien sémantique,
un lien syntaxique, un lien phonémique). Pour faire ce travail, je joue souvent à une version modifiée du jeu de bataille avec les cartes éclair. Chaque joueur a sa pile de carte. Il doit
confronter sa carte à la carte cible au centre du jeu. S’il trouve un lien entre les deux mots, il gagne le paquet. Sinon, il doit déposer sa carte sur la pioche et le prochain joueur devra
essayer de trouver des liens avec ce nouveau mot. Le paquet à gagner grossit ainsi.
4. Choisir les mots que j’ai ABSOLUMENT besoin de me rappeler (mots de vocabulaire scolaires, etc.) et les classer de différentes manières, trouver des particularités au niveau de l’orthographe, et pratiquer leur production phonologique en la décortiquant plusieurs fois.
Enfin, il ne faut pas oublier que le développement de l’accès lexical est dépendant du développement du reste du langage. Pour moi, comme l’enfant présentant un trouble de langage aura toujours un fonctionnement neurologique différent, ses difficultés d’accès lexical ne devraient pas s’évaporer. Toutefois, je dis souvent aux parents qu’il sera possible d’être moins handicapé par cette difficulté si l’enfant apprend à mieux encoder les mots et à se donner lui-même des trucs pour les retrouver. Le travail sur le discours sera à cet effet nécessaire.
Pour ceux et celles qui voudraient lire sur le sujet, je propose les textes de Diane German qui a fait beaucoup sur l’accès lexical. Elle fait cependant peu de liens avec la mémoire de
travail…c’est tout ce que je peux lui reprocher!
http://www.wordfinding.com/
Catherine Coulombe
– Voici son rapport de lectures dirigées sur le thème suivant : « Enfants dysphasiques et trouble d’accès lexical : Un regard sur l’intervention ».
Magritte aurait-il été dysphasique ???
Un tres grand merci a Catherine Coulombe pour le partage de ses travaux! Il y a relativement peu d enfants dysphasiques, ce qui explique surement le faible nombre de commentaires, mais nous en avons un a la maison et nous serions tres interessés si le cahier d activités pouvait etre partagé!!!
Dans tous les cas, un grand merci pour les documents deja mis en ligne, c est tres instructif pour les parents, et cela nous permet de mieux comprendre et de mieux accompagner nos petits dys.
MERCI !!!!!!!! 😉
Marina
Ping : Accès lexical et dysphasie. Catherine Coulombe (2) | Pontt
Ping : Accès lexical et dysphasie | Pontt
Bonjour,
Merci à Catherine Coulombe pour son intéressant cahier d’exercices en accès lexical.
Christiane
très intéressée. sujet en évolution, ayant toujours besoin de s’actualiser. Merci d’avance.
mémoire très intéressant sur le trouble d’acces lexicale chez les personnes dysphasiques. j’apprécierais énormément des pourvoir consulter le cahier d’activités afin de faciliter la vie de mes petits élèves dysphasiques.
Bonsoir
Au fil de mes explorations, je découvre des choses tout à fait passionnantes. J’ai été particulièrement séduite par cet excellent mémoire sur l’accès lexical ayant lu pas mal sur ce sujet chez les aphasiques (il y a notamment un article assez complet de Jany Lambert dans un des volumes du collectif Approches thérapeutiques en orthophonie) et je vois qu’on se pose finalement des questions parfois quelque peu similaires entre l’enfant dysphasique et l’adulte aphasique (par exemple celle de la supériorité ou non d’une thérapie phono à une thérapie sémantique etc…). Je trouve intéressantes les pistes proposées mais suis un peu désolée de constater la faible réactivité des internautes (je me compte dedans pour tant d’autres sujets !), le nombre peu important de commentaires alors que ce mémoire est en ligne depuis un certain temps ! Quel dommage, cela ne va pas encourager l’auteur à poursuivre son partage alors qu’on serait super intéressé pour découvrir son cahier d’activités ! A moins que de nouveaux se manifestent, promis, je vais faire de la pub !
Marie
Eh oui, Marie. Mais que voulez-vous que la boniface ? 😉
bonjour,
je vous passe un lien sur des colloques à telcharger ici:
http://www.colloque-dys35.info/
bon visionnage.
Merci Léa pour ton intérêt. J’espère que vous serez nombreux à demander à Catherine Coulombe de partager son « cahier d’activités ». Que ce soit ici ou ailleurs, peu importe… On en parlera. Je crois que nous aurions tous à y gagner!!!
bonjour,
Un tres grand merci pour ces travaux et le memoire reprenant les constats mais offrant une actualisation et des pistes pour les enfants.
je me suis permise de le faire suivre sur le forum de coridys ainsi que sur le forum enfantdysphasie.free.
C’est un bel eclairage que vous nous offrez.
merci_ léa