Rode et al., 1998

Titre: Improvement of the motor deficit of neglect patients through vestibular stimulation: Evidence for a motor neglect component.
Auteurs: G. Rode, M.T. Perenin, J. Honoré and D. Boisson
Revue: Cortex, 1998, 34, 253-261

 

La stimulation vestibulaire (SV) consiste à irriguer, durant 30 secondes, l’oreille – gauche pour les patients qui présentent une lésion hémisphérique droite (LHD) et droite pour ceux qui ont une lésion hémisphérique gauche (LHG) – au moyen de 60 cc d’eau à 20°.

L’héminégligence (la non prise en considération de l’espace controlatéral à la lésion), plus fréquente et de plus grande ampleur chez les patients LHD, peut avoir des manifestations très différentes qui peuvent apparaître de façon dissociée. Elle peut concerner l’espace extra personnel proche ou lointain, l’espace personnel (centré sur le corps), les représentations mentales imagées. Et une négligence motrice (sous utilisation des membres controlatéraux à la lésion) peut survenir sans hémiplégie et sans négligence visuo-spatiale.


Il a été à maintes reprises démontré que la SV a le pouvoir de réduire temporairement la plupart des manifestations et l’anosognosie liées à une héminégligence unilatérale.

Les raisons de ces effets sont l’objet de débats mais sont à mettre en relation avec un surcroît d’activation hémisphérique.


Dans cet article, les auteurs tentent de vérifier une observation qu’ils avaient faite quelques années auparavant sur un patient LHD souffrant d’héminégligence et d’une hémiplégie gauche. La SV, chez ce patient, non seulement réduisait temporairement les signes de négligence mais aussi des déficits moteurs. Ceci était interprété comme témoignant de la participation d’une composante de négligence motrice aux déficits moteurs.


Neuf patients LHD avec héminégligence sévère et hémiplégie, et neuf patients LHG hémiplégiques non héminégligents ont participé à l’étude. Tous étaient droitier sauf un patient LHG qui était ambidextre (ce dernier, le « n°17 », était aussi le seul patient LHG à avoir présenté des signes de négligence visuelle droite à la suite de son accident vasculaire).

Avant et après SV, les patients étaient soumis à un examen des déficits moteurs (échelle d’évaluation allant de 0 à 130), de la négligence dans l’espace personnel (capacité à toucher la main hémiplégique avec la main saine et estimation des performances sur une échelle à 4 degrés) et du degré d’anosognosie (échelle à 4 degrés).


Les résultats indiquent que la motricité contra lésionnelle est très significativement améliorée de façon temporaire (15 à 20 minutes maximum) pour les patients LHD mais pas pour les patients LHG.

En réalité, 7 patients LHD sur 9 présentaient une amélioration des performances motrices (force et présence de mouvements absents avant SV). Ces améliorations étaient plus manifestes pour le membre inférieur que pour le membre supérieur et elles étaient plus claires aux niveaux proximaux que distaux. Le pattern de recouvrement des déficits moteurs après SV est donc similaire à celui que l’on observe classiquement dans l’évolution spontanée des troubles moteurs d’origine corticale.
On ne sait trop pourquoi deux patients LHD n’ont pas présenté d’amélioration de leurs performances motrices après SV. Les auteurs avancent l’hypothèse que ceci pourrait être lié à l’ampleur desdéficits au niveau des réseaux moteurs.

Quant aux patients LHG, un seul s’est montré sensible à la SV et il se fait qu’il s’agit du patient n°17 (ambidextre et ayant été héminégligent droit transitoirement).



L’intérêt de ce travail n’est évidemment pas directement d’ordre thérapeutique : on n’a aucune raison de penser que la SV pourrait avoir des effets à moyen ou long terme.

L’étude met en évidence l’existence plausible d’une « composante de négligence motrice » (laquelle serait en quelque sorte mise en rémission après SV) associée aux déficits moteurs des patients héminégligents. Cette composante pourrait rendre compte de la plus grande incidence des déficits moteurs chez ces patients LHD. Et j’ajouterai qu’elle pourrait expliquer l’observation courante qui est qu’une héminégligence persistante est un des plus mauvais facteurs de récupération à tous les niveaux.

Notons encore que la SV pourrait aussi être un moyen de révéler ou de démasquer des capacités motrices latentes chez certains patients héminégligents.


Enfin, notons que :

– Vallar et al. (Brain, 1993, 71-86) avaient enregistré des effets similaires de la SV sur les déficits somato-sensoriels des patients négligents, indiquant ainsi qu’une composante non perceptuelle ou non sensorielle peut aggraver un déficit sensoriel primaire chez ces patients.
– La négligence motrice pure (sous utilisation des membres contra lésionnels sans hémiplégie et sans négligence visuelle) n’a sans doute que peu de rapport avec ce qui est décrit ici.
– Cette étude tend à montrer que les informations vestibulaires (au même titre que les informations visuelles et proprioceptives) participent à l’élaboration des représentations égocentriques de haut niveau, un processus supposé déficitaire chez les patients héminégligents. En d’autres termes, la stimulation vestibulaire activerait des zones non endommagées d’un système distribué sous-jacent à l’intégration multi sensorielle et à la représentation consciente de l’espace corporel et/ou extra corporel.

Bill

http://www.masson.it/
http://www.cortex-online.org

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