Titre: A double dissociation between sensorimotor impairments and reading disability: A comparison of autistic and dyslexic children.
Auteurs: White, S., Frith, U., Milne, E., Rosen, S., Swettenham, J., and Ramus, F.
Revue: Cognitive Neuropsychology, 2006, 23, 748-761
L’étiologie des dyslexies développementales est attribuée par certains à un trouble spécifique du traitement phonologique, trouble lié à un dysfonctionnement de certaines aires cérébrales pré-sylviennes de l’hémisphère gauche. Pour d’autres, le déficit phonologique ne serait qu’une conséquence d’un syndrome sensorimoteur (SM) général incluant des dysfonctionnements auditifs, visuels et moteurs. Selon cette théorie, la dyslexie développementale trouverait son origine dans une atteinte du système magnocellulaire et cérébelleux (d’où la présence de déficits moteurs et d’un affaiblissement général des apprentissages).
Si vous souhaitez en savoir plus sur les différentes théories explicatives de la dyslexie, je ne peux que vous inviter à lire ce document : « Dyslexie, Dysorthographie, Dyscalculie : Bilan des données scientifiques ».
Il s’agit d’une véritable brique (un ouvrage de plus de 800 pages). Résultat d’une expertise collective de l’INSERM, ce travail s’appuie sur les données scientifiques disponibles en date du deuxième semestre 2006. Plus de 2 000 articles ont constitué la base documentaire de cette expertise.
Au sens strict, la seconde théorie semble devoir être abandonnée. En effet, les déficits SM ne sont pas « nécessaires » à l’apparition de troubles de la lecture : tous les dyslexiques ne souffrent pas de troubles SM.
Certains auteurs maintiennent cependant que les déficits SM (mis en évidence par des tests spécifiques et reconnus comme tels) sont « suffisants » pour engendrer une dyslexie. Ils seraient la cause d’au moins un sous-ensemble important de cas de dyslexie. En d’autres termes, si des déficits SM sont mis en évidence, on devrait obligatoirement noter des troubles de la lecture.
Ce que White et coll. ont dès lors cherché dans cette étude, c’est de vérifier si cette condition est effectivement suffisante. Pour ce faire, ils ont examiné les performances de 23 enfants dyslexiques, de 22 enfants autistes et de 22 enfants de contrôle aux mêmes tâches sensorielles (auditives et visuelles), motrices, phonologiques, de lecture et d’écriture.
Les résultats indiquent clairement qu’il y a double dissociation entre troubles SM et dyslexie. En effet, s’il y a effectivement des déficits SM chez certains dyslexiques et chez certains autistes, ceux-ci ne sont en aucune façon liés à la présence ou à l’absence de troubles de la leture. Certains autistes bons lecteurs ne présentent pas moins de déficits SM que les dyslexiques ou que les autistes mauvais lecteurs. Les auteurs en concluent que les déficits SM n’ont aucun pouvoir explicatif des dyslexies (ou de tout autredéficit cognitif spécifique), ils ne sont ni une condition nécessaire ni une condition suffisante aux troubles de la lecture.
Il n’en reste pas moins que les déficits SM sont plus fréquents dans la population des dyslexiques et dans celle des autistes que dans la population normale. Les auteurs avancent donc l’idée selon laquelle les déficits SM ne seraient que des marqueurs non spécifiques et généraux des troubles du développement cérébral. Les déficits cognitifs spécifiques (comme les troubles phonologiques des dyslexiques) seraient bien causés par des anomalies de certaines aires corticales spécifiques. Les déficits SM seraient, eux, des conséquences secondaires et occasionnelles qui apparaitraient quelle que soit la localisation du dommage cérébral et, donc, quels que soient les déficits cognitifs.