Titre: A duck with four legs: Investigating the structure of conceptual knowledge using picture drawing in semantic dementia.
Auteurs : Bozeat, S., Lambon Ralph, M.A., Graham, K.S., Patterson, K, Wilkin, H., Rowland, J., Rogers, T.T., Hodges, J.R.
Revue : Cognitive Neuropsychology, 2003, 20 (1), 27-47
Cet article s’inscrit dans une série de recherches qui, par l’étude des troubles présentés par les patients atteints de démence sémantique, tente de mieux comprendre la structure et l’organisation ou l’architecture des connaissances conceptuelles au sein du système sémantique.
La démence sémantique est une altération progressive et sélective du système sémantique qui est la conséquence suite d’une atrophie temporale unilatérale ou, plus souvent, bilatérale.
Ces études ont contribué à imposer l’idée d’un système sémantique central, unitaire et amodal.
Et certaines observations ont été interprétées comme témoignant du fait que ce système est organisé de manière hiérarchique (des distinctions superordonnées comme vivant versus non vivant, des catégories de base comme animaux versus outils et des exemplaires individuels représentés à différents niveaux). Ainsi s’expliquerait le décours progressif des erreurs des patients qui disent, par exemple, d’abord cygne pour canard, puis oiseau, puis simplement animal. Ou encore l’ordre dans lequel se détériorent les capacités de catégorisation (du plus spécifique au plus large).
Une autre façon de voir les choses consiste à dire que les catégories sont le produit de représentations individuelles qui partagent un ensemble partiellement commun de traits, les structuresde plus hauts niveaux émergeant (sans devoir être codées explicitement) de la distribution de ces attributs. Et la prototypicalité des exemplaires serait prédictible et jaillirait des similarités des traits d’un exemplaire avec ceux de la catégorie (ou des catégories) à laquelle (ou auxquelles) il appartient. Certains attributs sémantiques seraient vrais pour la majorité des concepts d’une catégorie, d’autres seraient plus spécifiques à l’un ou l’autre exemplaire particulier. Et enfin, les traits partagés seraient plus nombreux pour les exemplaires des catégories des vivants (animaux, oiseaux, fruits, légumes …) que pour les exemplaires des catégories des non vivants (outils, meubles, véhicules…).
L’objectif est ici de se servir des dessins fournis par des patients atteints de démence sémantique afin de nous renseigner sur les connaissances conceptuelles visuelles et de vérifier si cette distribution supposée des traits et si ces caractéristiques structurales des représentations sémantiques se reflètent dans leurs productions de dessins.
L’originalité de cette étude repose essentiellement sur les procédures utilisées afin d’exploiter des résultats objectifs qui évitent les biais liés aux aptitudes préalables de dessin et à une cotation subjective des dessins fournis.
En gros, il s’agit de faire dessiner des sujets de contrôle assez rapidement et d’en tirer des listes de traits qui sont représentés quasi systématiquement. Les dessins des patients sont alors estimés en termes du nombre de traits corrects, des traits omis ou ajoutés. La méthode est également appliquée dans trois conditions : copie immédiate, copie différée (10 secondes occupées par du comptage) et dessin sur consigne verbale (le nom du concept est donné).
Les performances des patients sont aussi étudiées en termes des corrélations qui apparaissent avec leurs résultats à une batterie sémantique de tests et avec leurs résultats à d’autres tests neuropsychologiques.
D’une façon générale, les résultats de cette étude montrent :
– Que la technique est applicable (le dessin en copie différée est particulièrement intéressant).
– Que les performances des patients sont en corrélation (sauf pour la copie immédiate) avec le degré d’atteinte sémantique estimé par d’autres tests.
– Que les traits partagés par de nombreux exemplaires d’une catégorie sont moins « vulnérables » que les attributs propres à un petit nombre d’exemplaires. Les traits les plus distinctifs disparaissent en premier.
– Que ceci se traduit, pour les objets, par des représentations de plus en plus « box-like » et, pour les animaux, les oiseaux et les fruits (les « vivants » étudiés ici), par des représentations de plus en plus proches des prototypes (en plus d’une perte des traits distinctifs, il y a plus d’intrusions de traits partagés par de nombreux exemplaires à des exemplaires qui ne possèdent pas ces traits en réalité). Ceci semble confirmer les théories qui postulent que les différences apparentes entre les domaines sémantiques proviennent de la façon dont les propriétés sont distribuées entre items des différents domaines.