SOMMAIRE du TRAVAIL SUITE Message 6
2.3 Critiques de la batterie de Paradis
Cette batterie, comme dit plus haut, présente les avantages d’être un outil culturellement et linguistiquement équivalent au travers des langues, de ne pas être trop longue et d’évaluer les différentes langues à différents niveaux et selon différentes modalités. Néanmoins, cette batterie connaît aussi plusieurs inconvénients.
Premièrement, cette batterie manque parfois de précision. Elle serait plutôt à envisager comme un instrument de première ligne à partir duquel on peut avoir une idée du tableau global des déficits dans chacune des langues du patient. A partir de ces données, on pourrait alors approfondir l’évaluation dans chacune des langues si nécessaire. Cependant, étant donné le but de Paradis (1987), il est vrai qu’il n’est pas indispensable d’avoir une évaluation très précise pour déterminer quelle est la langue la mieux conservée, et s’il y a des différences, à quels niveaux de la structure de la langue elles surviennent. De plus, il souligne que cette batterie n’a pas été réalisée dans le but de différencier entre les différents types d’aphasie, mais qu’elle peut tout de même être utilisée comme un instrument de « screening ».
Un deuxième inconvénient est qu’en voulant supprimer l’influence des habitudes de lecture antérieures à l’accident, du niveau d’éducation, Paradis a, par exemple, pour la lecture et l’écriture de mots choisi dans chaque cas 5 mots concrets (Paradis, 1987). Cependant, ces mots, en plus d’être concrets, sont aussi courts (maximum 5 lettres), et n’ont pas non plus été contrôlés au niveau de la fréquence. Il est donc relativement difficile à partir de ce type de tâches de tirer des conclusions quant à ce qui influence véritablement les résultats de la patiente et si les variables exerçant une influence sont les mêmes dans les deux langues. C’est pour cette raison que j’ai décidé de présenter à la patiente une traduction de l’épreuve de dénomination orale du Lexis en néerlandais plutôt que l’épreuve de Paradis. De plus, dans la version néerlandais-français de la batterie, les mêmes mots étaient présentés en dénomination dans les deux langues.
Paradis (1987) explique aussi qu’il a cherché à minimiser le risque qu’un niveau de compétence prémorbide faible soit à l’origine de faibles résultats aux épreuves tout en étant bien conscient que cela pourrait avoir pour conséquence que des déficits subtils pourraient passer inaperçus. C’est dans ce cas que se trouvait Madame HH., puisque, d’une part, elle avait un niveau de bilinguisme assez élevé et que d’autre part, son déficit était relativement léger.
Malgré tous ces arguments, cette batterie est néanmoins valide. En effet, le but de Paradis (1987) est qu’un score déficitaire à la batterie puisse être sans équivoque considéré comme la conséquence d’un trouble langagier et pas comme la conséquence d’une faiblesse langagière antérieure à l’accident. S’il veut atteindre ce but, il est donc logique que les épreuves ne soient pas trop complexes. Cela a malheureusement pour conséquence que l’on risque de passer à côté de certains déficits lorsque l’on fait passer cette batterie à des personnes qui avaient un niveau élevé de compétences dans chaque langue et qui ont une aphasie légère.
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