Aphasie transcorticale motrice ou dynamique 4

Déficit de la planification verbale pré-linguistique

3. Déficit sélectif de la planification verbale pré-linguistique

Le premier cas que nous présenterons sera celui d’un patient pour lequel un trouble pré-linguistique sera proposé comme explication fonctionnelle d’une aphasie dynamique. Ensuite, nous reverrons deux études qui présentent un trouble lexical particulier. Enfin, nous reviendrons sur l’hypothèse d’un déficit de la planification pré-linguistique.

Costello et Warrigton (1989) présentent le cas ROH (astrocytome frontal postérieur gauche opéré) dont les performances à des tests sensibles à un dysfonctionnement frontal sont altérées (Wisconsin card sorting test, tâches d’estimations cognitives et coordination bi manuelle).

Les troubles phasiques peuvent être résumés comme suit : son langage conversationnel est très pauvre, très peu fluent et les latences de production sont très importantes ; il ne peut définir que 28 mots sur 93, pour les autres il ne fournit aucune réponse ; il ne peut expliquer le sens de proverbes ; il obtient des résultats très faibles aux tâches de fluence verbale suscitée ; sa dénomination d’objets et d’actions est par contre bonne et, de façon surprenante, il n’éprouve pas de difficulté au test du reporter (De Renzi et Ferrari, 1978); il ne produit ni paraphasies ni erreurs grammaticales et on ne note aucun déficit articulatoire ou de prosodie ; sa compréhension est intacte, de même que ses capacités de répétition et de lecture à voix haute; ses capacités d’écriture sont cependant altérées.

Sur base de ses compétences à produire des mots isolés, les auteurs rejettent l’idée d’un déficit lexical et, sur base de ses capacités préservées à produire des énoncés syntaxiquement corrects et sans trouble de l’ordre séquentiel des mots et des propositions, ils repoussent l’hypothèse de Luria.

Costello et Warrington interprètent ces déficits comme le résultat d’un trouble sélectif de la planification verbale pré-linguistique.
Les épreuves que ROH réussit sont en effet celles où cette phase d’idéation et de planification est la moins sollicitée car l’idée à transmettre y est fournie par le contexte. Par contre, lorsque cette étape de planification pré-linguistique est nécessaire, il est en échec.

Les auteurs mettent en place quatre épreuves qui permettront d’asseoir leur interprétation et de discerner un trouble sélectif de la planification verbale d’un trouble cognitif plus généralisé de planification. Les résultats, comme nous le voyons ci-dessous, sont conformes aux prédictions.

Dans une première épreuve, ROH doit compléter la fin de 66 phrases (de six à dix mots) par un seul mot (les auteurs ne précisent pas si toutes ces phrases n’ont qu’une possibilité de complétion mais, d’après les exemples fournis, on peut le penser).
Ses réponses sont correctes bien que les temps de latence soient importants. Ces latences contrastent avec la rapidité d’exécution lors de la dénomination d’images.

Dans une deuxième épreuve, ROH doit compléter des propositions par une autre proposition (ex : « La vieille femme… »). Or, il ne produit rien pour 15 des 43 items proposés. De plus, ses latences de production sont très longues : 36 secondes en moyenne (4 à 180 secondes).

Dans une troisième épreuve, ROH doit produire des phrases sous trois conditions :
– le stimulus est un mot isolé (23 items)
– le stimulus est une phrase (ex : « Les enfants étaient sur la plage », 18 items)
– le stimulus est une scène sur image (18 items)

Les performances de ROH sont les plus déficitaires dans la condition de production d’une phrase à partir d’un mot isolé (13/23): ses phrases sont très simples, mais la structure grammaticale est correcte, ainsi que la fluence et la prosodie.
Lorsque le stimulus est une phrase ou une scène à décrire, les performances de ROH sont supérieures. Il produit une seconde phrase liée sémantiquement à la première dans 10 cas sur 18 et ne commet aucune erreur, les structures phrastiques sont plus complexes que dans la première condition. Les temps de réponses restent éminemment élevés (84 secondes contre 7 secondes pour les sujets de contrôle).
En ce qui concerne la description de scènes, il fournit 17 réponses correctes sur 18 et les phrases ont le même type de structure complexe que dans la condition précédente. Les temps de latence sont encore importants (21 secondes).

Dans la quatrième épreuve, ROH doit réorganiser l’ordre de mots écrits sur des cartons pour construire une phrase correcte.
Ses performances sont très déficitaires puisqu’il ne forme que 5 phrases grammaticalement correctes sur les 27 items proposés (phrases de 3, 5 et 7 mots) et les temps de réponses sont d’environ une minute. Dans la plupart des cas, il ne produit rien ou commet des erreurs d’ordre et cela même avec trois mots.

Par contre, ROH n’éprouve aucune difficulté à ordonner des images pour en faire une séquence significative. Les auteurs tirent parti de cette dernière dissociation pour dire que le trouble de planification est propre à la sphère verbale et qu’il ne s’agit pas d’un trouble généralisé de planification. On notera cependant que Costello et Warrington ne fournissent aucun argument indépendant qui prouve que ROH n’est pas agrammatique en production écrite. Si tel était le cas, on ne pourrait plus rien tirer de cette dissociation.

Référence :

Costello, A.D.L., & Warrington, E.K. (1989). Dynamic aphasia : the selective impairment of verbal planning. Cortex, 25, 103-114.

 

Cortex :
http://www.masson.it/
http://www.cortex-online.org

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